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Les principales fonctions du roman – Entre subjectivité et objectivité

  • mars 11, 2024
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Les principales fonctions du roman – Entre subjectivité et objectivité
LES PRINCIPALES FONCTIONS DU ROMAN.
CHAPITRE 2. ENTRE SUBJECTIVITÉ ET OBJECTIVITÉ
INTRODUCTION.
La question de l’objectivité ou de la subjectivité divise encore. Pour les uns, l’artiste doit apparaître dans ses textes et révéler par la même occasion son intimité qui confirme son humanité faite de forces et de faiblesses, allant même jusqu’à rencontrer des lecteurs qui y découvrent des sortes d’identités remarquables. Pourtant, d’autres s’interdisent cette posture qu’ils jugent comme digne de l’égocentrisme. Ils pensent sans doute un peu comme Flaubert qui déclarait dans ses Correspondances : « l’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant ; présent partout et visible nulle part, qu’on le sente mais qu’on ne le voie pas ».
De ce fait, au regard de ces derniers propos qui trahissent une présence ou une absence, ou bien même traduisent une option rarement admise à 100%, est-ce qu’un romancier peut être exclusivement objectif ou totalement subjectif ?
1. LE ROMAN COMME PRODUIT DE LA SUBJECTIVITÉ.
L’adjectif « subjectif » a pour radical le mot « sujet ». Ainsi, on dit d’un romancier qu’il est « subjectif » lorsque transparaissent dans son discours des affirmations qui sont siennes, personnelles. Ici, l’auteur en général, le romancier en particulier, devient son propre sujet. Voici deux romans qui, principalement, offrent une orientation subjective du romancier qui s’y adonne : le ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE et le ROMAN PHILOSOPHIQUE. Pour le premier, l’auteur restitue son histoire selon des orientations aussi variées qu’enrichissantes. Si certains romanciers s’en servent, c’est pour faire de leur propre vie une source d’inspiration qui dresse souvent un tableau sans complaisance de leur passé. L’un offre des envolées subjectives lorsque son auteur parle de lui-même, comme ce fut le cas dans Les Confessions (1782), un roman écrit par Jean-Jacques Rousseau qui, dès la préface affirme : « je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature. Et cet homme, ce sera moi. Moi seul ». Ce romancier veut donc se réconcilier avec lui-même, faire la paix avec sa conscience en révélant une partie de sa vie. L’autre peut être subjectif aussi quand le romancier philosophe expose sa vision qu’il narrativise pour dévoiler une certaine absurdité du monde que sa conscience lui révèle, comme le prouve L’Étranger (1942) dont l’auteur est Albert Camus.
2. LE ROMAN COMME PRODUIT DE L’OBJECTIVITÉ.
L’adjectif « objectif », lui, a pour radical le mot « objet ». On dit d’un romancier qu’il est « objectif » lorsque rien, dans son discours, ne révèle des propos se rapportant à sa vie, sa pensée intime, son état d’esprit ou son état d’âme. Là, l’auteur en général, le romancier en particulier, n’est intéressé que par l’objet représenté. Pour y parvenir, le ROMAN DE MŒURS et le ROMAN HISTORIQUE sont les plus prisés. C’est le cas dans Les Misérables où Victor Hugo, sans être un des personnages du récit, dresse un réquisitoire sans complaisance de la société contemporaine de l’époque en offrant une peinture sociale qui dépasse même les frontières de la France pour servir d’exemple à toutes les sociétés humaines et ainsi inciter celles-ci à revoir les lois pour les équilibrer, les humaniser davantage. D’ailleurs, dès la préface de ce roman, Hugo affirme : « tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles ». C’est aussi ce même souci d’objectivité qui a donné naissance à des œuvres comme Les Bouts-de-Bois de Dieu de Ousmane Sembène, Salammbô de Gustave Flaubert, Claude Gueux de Victor Hugo… Par ailleurs, contrairement à ce que certains ont tendance à croire, tout n’est pas subjectif dans un roman ; en d’autres termes, l’artiste choisit des tranches de vie certes liées à sa propre expérience mais les moule dans des passages rondement bien accomplis ; c’est cela qui lui donne son caractère artistique. C’est aussi une parmi les raisons pour lesquelles Saint-Beuve, un grand critique d’art du XIXème siècle, disait : « tel arbre tel fruit ».
3. ENTRE SUBJECTIVITÉ ET OBJECTIVITÉ.
Oui, c’est possible qu’un romancier soit à cheval entre la subjectivité et l’objectivité. Nous allons d’une part nous intéresser à la raison de ce choix et d’autre part à l’esthétique permettant d’y parvenir.
Pour quelle première raison des romanciers ont-ils prôné cette posture hybride ? Si nous prenons le cas des réalistes ou des naturalistes, connaissant leur désapprobation du style personnel des romantiques, on voit clairement que c’est pour rompre avec une posture crypto personnelle alors que la réalité constituait une source d’inspiration plus grande, plus urgente et moins égoïste. Ils savent qu’ils est certes impossible de ne pas apparaître dans un texte qu’on a soi-même écrit mais ils sont convaincus qu’il s’agit de la voie royale, voire divine, d’être à la fois dans et hors de son œuvre.
Une deuxième raison est à chercher du côté des auteurs engagés ou frivoles qui voudraient échapper à la censure. Pour avoir critiqué l’autorité dans leur roman ou avoir représenté des scènes qui frisent l’obscénité, afin de ne pas trop s’exposer à la sanction, nombreux sont les romanciers qui choisissent de se mettre en marge du récit.
Comment un romancier parvient-il alors, par la force de son style, à être à la fois présent et absent de la sorte ?
Premièrement, cet artiste y réussit en confiant le récit aux personnages. Grâce à la focalisation interne, c’est-à-dire des personnages présents au récit narré, ou bien encore grâce à un astucieux usage du discours rapporté, surtout le discours indirect libre, l’auteur fait parler ses ”êtres de papier” alors que c’est lui justement qui, sans aucunement en donner l’air, est derrière, et qui semble leur chuchoter les paroles à prononcer, comme par exemple son avis personnel sur une question sociale ou politique qui secoue l’actualité. Celles-ci ne peuvent plus être jugées comme subversives, du moment qu’elles sont débitées par des personnages. Les écrivains réalistes et naturalistes sont passés maîtres dans ce jeu trouble qui ne passe pas toujours, comme ce fut le cas de L’Assommoir (1877) d’Émile Zola. Néanmoins, grâce à ce choix de l’impersonnalité, ces romanciers ”Minotaure” ont réussi à rester entre ciel et terre, entre le révélé et l’indicible, ni la face ni le revers d’une même médaille.
Deuxièmement, et c’est important de le révéler aussi, c’est le jeu de cache-cache. Ferdinand Oyono est un romancier camerounais de la période coloniale. Pour s’opposer farouchement à celle-ci sans en donner l’air, toujours en se maintenant dans ce clair-obscur dont nous parlions, cet écrivain produit d’une part une préface de son fameux roman Une vie de Boy (1956). Il y affirme que ce roman n’en est pas un, qu’il s’agit plutôt du cahier ou journal intime qu’il aurait ramassé auprès d’un boy qui l’avait gardé par devers lui au moment de mourir. Du coup, c’est comme si, implicitement, Oyono voulait dire que ces écrits ne sont pas de lui, même si c’est son prénom et nom qui figuraient sur la première de couverture. D’autre part, aucun lecteur ne nie l’existence de cet humour qui plane à toutes les pages et qui dériderait même les lecteurs les plus flegmatiques. Ce romancier hors pair a alors réussi ce que font les humoristes comme Kouthia du Sénégal, Siriké et Souké du Burkina : s’opposer sans en donner l’air tout en disant la vérité mais avec de l’humour. Les contes philosophiques de Voltaire œuvrent d’ailleurs vers cette direction même si c’est dans un tout autre contexte.
Issa Laye Diaw
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